A la suite de l’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat le 5 janvier 2018 (Voir notre commentaire du 11 janvier 2018 « Arrêt des traitements de suppléance des fonctions vitales d’un enfant mineur » ) les parents de l’enfant âgée de 14 ans, souffrant d’une myasthénie auto-immune sévère et victime d’un arrêt cardio-respiratoire la plongeant ainsi dans un état végétatif, ont saisi la Cour européenne des droits de l’Homme par une requête du 9 janvier 2018.
Aux termes de cette requête, les parents ont invoqué les articles 2 et 8 de la Convention, se plaignant du fait que la décision d’arrêt des traitements de leur fille mineure soit in fine prise par le médecin alors qu’ils s’y opposent. Ils estimaient devoir bénéficier d’un pouvoir de codécision dans la procédure collégiale, en tant que parents et titulaires de l’autorité parentale. Ce faisant, les parents faisaient valoir que le droit interne n’encadre pas suffisamment ces situations conflictuelles.
Invoquant l’article 13 de la Convention, ils considéraient également que le droit interne n’instituait aucun recours effectif pour des parents qui s’opposent à la décision d’arrêt des traitements de leur enfant mineur et se plaignaient notamment de l’absence de caractère suspensif automatique du recours devant les juridictions administratives.
Enfin, les parents entendaient également se fonder sur l’article 6 § 2 de la Convention européenne pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (Convention d’Oviedo) en ce qu’il prévoit que, lorsqu’un mineur n’a pas la capacité de consentir à une intervention, celle-ci ne peut être effectuée sans l’autorisation de son représentant.
Par un arrêt du 25 janvier 2018, n° 1828/18, la Cour a déclaré la requête irrecevable en considérant notamment, qu’ « en l’absence de consensus entre les États membres quant à la façon dont est prise la décision finale d’arrêt des traitements, […] l’organisation du processus décisionnel, y compris la désignation de la personne qui prend la décision finale d’arrêt des traitements et les modalités de la prise de décision, s’inscrivaient dans la marge d’appréciation de l’État », « non seulement quant à la possibilité de permettre ou pas l’arrêt d’un traitement maintenant artificiellement la vie et à ses modalités de mise en œuvre, mais aussi quant à la façon de ménager un équilibre entre la protection du droit à la vie du patient et celle du droit au respect de sa vie privée et de son autonomie personnelle ».
En l’espèce, la Cour relève que, même si les requérants sont en désaccord avec son aboutissement, le processus décisionnel mis en œuvre a respecté les exigences découlant de l’article 2 de la Convention, dès lors que « la procédure collégiale a été menée conformément au cadre législatif » et que « les requérants, malgré leur opposition à la décision, avaient « toujours été associés à la prise de décision ».
Reprenant les termes de l’ordonnance rendue par le juge des référés du Conseil d’Etat, la Cour valide la décision de la Haute juridiction administrative aux termes de laquelle il appartenait désormais au médecin de déterminer si et dans quelles conditions la décision d’arrêt des traitements devait être exécutée.
CEDH, 25/01/2018, Djamila AFIRI et Mohamed BIDDARRI contre France