Publication au Journal officiel du 17 février 2018 d’un décret du 16 février 2018, n°2018-101 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux.

De prime abord, rappelons le cadre de la médiation devant le juge administratif (I) avant de nous intéresser plus particulièrement au décret du 16 février 2018 n°2018-101 (II).

I. Le cadre de la médiation :

La médiation est un mode alternatif de règlement des différends instauré, en matière de litige administratif, par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe. Le cadre de la médiation est fixé par les articles L.213-1 à L.213-10 et R.213-1 à R.213-9 du Code de justice administrative (CJA).

En vertu de l’article L.213-1 du CJA, la médiation « s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ». L’article R.213-1 précise également qu’elle porte « sur tout ou partie d’un litige ».

L’intérêt de la médiation est de parvenir à un accord, qui peut être homologué par le juge administratif et lui donner force exécutoire.

Un ou plusieurs médiateurs peuvent assurer cette mission. Le médiateur est soumis au principe de confidentialité et est également tenu d’accomplir sa mission avec impartialité, compétence et diligence.

Le médiateur peut être une personne physique mais aussi une personne morale dont le représentant désigne alors une ou plusieurs personnes physiques pour en assurer la mission en son nom.

Le Code de justice administrative prévoit deux modes de recours à la médiation qui peut être à l’initiative des parties (A) ou à l’initiative du juge administratif (B).

A. La médiation à l’initiative des parties :

En dehors de toute procédure juridictionnelle, la médiation peut être engagée à l’initiative des parties soit en désignant un médiateur soit en demandant au Président du Tribunal administratif ou de la Cour administrative territorialement compétent, de procéder à cette désignation.

Dans cette hypothèse, le Président désigne un médiateur, extérieur à la juridiction et le cas échéant, en application de l’article L.213-5 alinéa 4 du CJA, « (…) détermine s’il y a lieu d’en prévoir la rémunération et fixe le montant de celle-ci ».

Si les parties décident de procéder à une médiation en amont de toute procédure juridictionnelle, le législateur a prévu un mécanisme d’interruption des délais de recours contentieux et de suspension des prescriptions, dont les modalités sont fixées par l’article L.213-6 du CJA. Cette solution constitue un gage de sécurité envers le justiciable dès lors qu’il ne fait pas obstacle à l’introduction d’un recours contentieux ultérieur en cas d’échec de la médiation.

Attention toutefois, aux dispositions de l’article R.213-4 du CJA qui pose des conditions particulières dans le cas où un recours gracieux ou hiérarchique a été exercé et pour les litiges devant faire l’objet d’un recours administratif préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux.

B. La médiation à l’initiative du juge :

Lorsqu’une action juridictionnelle a déjà été introduite, le juge administratif peut, à tout moment de l’instruction, initier une mission de médiation, après avoir obtenu l’accord des parties.

De la même manière, cette mission de médiation est confiée à une personne extérieure à la juridiction. Le juge administratif en précise la durée, et s’il y a lieu, la rémunération du médiateur.

S’agissant plus particulièrement de la rémunération et si les frais sont à la charge des parties, l’article L.213-8 du CJA prévoit la possibilité pour les parties de déterminer entre elles, la répartition de la rémunération. A défaut d’accord, les frais peuvent être fixés à parts égales.

Par ailleurs, lorsque le juge décide de désigner un médiateur, il fixe le montant d’une provision à valoir sur la rémunération de celui-ci ainsi qu’un délai dans lequel cette provision doit être consignée. A défaut de consignation dans les délais impartis, la désignation du médiateur est caduque.

Cette provision peut être ordonnée lors de la désignation du médiateur ou en cours d’exécution de la mission de médiation, ainsi que le précise, sur ce second point, l’article R.213-7 du CJA.

Notons que si une des parties est éligible à l’aide juridictionnelle, les frais qui lui incombent sont pris en charge par l’État.

En outre, il est utile de préciser que le juge administratif conserve la possibilité, pendant la durée de la médiation, de prendre toutes les mesures d’instruction qui lui paraissent nécessaires.

Enfin, il est possible de mettre fin à la médiation, à tout moment, sur demande d’une des parties ou du médiateur lui-même.

II. Sur l’entrée en vigueur du décret n°2018-101 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux :

Le décret du 16 février 2018, qui s’applique à compter du 1er avril 2018, impose, à titre expérimental, une procédure de médiation préalable et obligatoire concernant les litiges en matière de fonction publique ainsi que pour les litiges sociaux, à peine d’irrecevabilité.

Toutefois, si le Tribunal administratif est saisi dans le délai de recours contentieux contre la décision litigieuse, mais sans respect de la médiation obligatoire préalable, le Tribunal rejette la requête et la transmet au médiateur compétent.

Comme souvent en matière de processus d’expérimentation procédurale, ne sont pas concernés l’ensemble des fonctionnaires et agents des trois fonctions publiques, de surcroît les litiges relevant de la fonction publique et des droits sociaux sont limitativement énumérés. Par ailleurs, ce décret fixe des délais procéduraux particuliers. Enfin, précisons que cette procédure préalable et obligatoire serait soumise à un principe de gratuité.

A. Les litiges qui relèvent de la fonction publique :

Ces litiges sont énumérés à l’article 1-I du décret n°2018-101. Sont notamment cités, à titre d’exemple :

  • les décisions individuelles relatives à la rémunération ;
  • les refus de détachement, de placement en disponibilité ou de congés non rémunérés pour les agents contractuels de la fonction publique d’État et de la fonction publique territoriale ;
  • les décisions individuelles défavorables relatives à la réintégration à l’issue d’un détachement, d’un placement en disponibilité ou d’un congé parental ou relatives au réemploi d’un agent contractuel ;
  • les décisions individuelles défavorables relatives à la formation professionnelle ;
  • les décisions individuelles défavorables relatives aux mesures appropriées prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés.

L’article I-II du décret n°2018-101 précise ensuite les agents concernés par les litiges précités à savoir :

  • les agents de la fonction publique de l’État des services du ministère chargé des affaires étrangères ;
  • les agents de la fonction publique de l’État des services académiques et départementaux, les écoles maternelles et élémentaires et les établissements publics locaux d’enseignement du ressort des académies dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la justice et du ministre chargé de l’éducation nationale ;
  • les agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, sous certaines conditions, et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé des collectivités territoriales, et ayant conclu avant le 1er septembre 2018 avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent une convention lui confiant la mission de médiation préalable obligatoire en cas de litige avec leurs agents.

Le décret prévoit, en fonction des litiges précités, de confier la mission de médiation à certaines autorités désignées. L’article 1-III précise en effet, que :

« 1° Pour les agents des services du ministère chargé des affaires étrangères, par le médiateur des affaires étrangères ;
2° Pour les agents du ministère chargé de l’éducation nationale, par le médiateur académique territorialement compétent ;
3° Pour les agents des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, par le centre de gestion de la fonction publique territorialement compétent, proposant la mission de médiation préalable obligatoire au titre de la mission de conseil juridique prévue au premier alinéa de l’article 25 de la loi du 26 janvier 1984.
 ».

B. Les litiges qui relèvent des droits sociaux :

Ceux-ci sont visés par l’article 2 du décret n°2018-101. Le décret fixe un cadre géographique administratif. Seront ainsi concernées des circonscriptions départementales « comprises dans quatre régions au plus », fixées par une liste qui fera l’objet d’un arrêté conjoint du ministre de la Justice et des ministres intéressés après accord des autorités territorialement compétentes.

Les litiges portent, à titre d’exemple, sur les décisions relatives au revenu de solidarité active (RSA) ou à l’aide personnalisée au logement (APL), la liste complète est mentionnée à l’article 2 du décret n°2018-101.

De même que pour les litiges de la fonction publique, le décret impose une médiation préalable et obligatoire, assurée par deux autorités : le Défenseur des droits et le médiateur de Pôle emploi territorialement compétent.

C. Concernant les délais de procédures particuliers :

L’article 3 du décret n°2018-101 précise que la médiation préalable et obligatoire visée par ce décret, doit être engagée dans le délai de recours contentieux de deux mois prévus par l’article R.421-1 du CJA.

Pour les administrations concernées, une attention particulière doit être portée sur la mention des voies et délais de recours. En effet, l’autorité administrative doit mentionner, dans les décisions concernées, l’obligation de recourir à une médiation préalable et obligatoire et indiquer « (…) les coordonnées du médiateur compétent. A défaut, le délai de recours contentieux ne court pas à l’encontre de la décision litigieuse ». Le défaut de mention vaut donc inopposabilité des délais de recours contentieux.

Notons, par ailleurs, que l’article L.213-6 visé précédemment, s’applique à la saisine préalable et obligatoire du médiateur en ce sens que les délais de recours contentieux sont interrompus dès la saisine du médiateur et que les délais de prescription sont suspendus, sous réserve des dispositions de l’article R.213-4 concernant les recours gracieux et hiérarchiques.

D. Sur la gratuité du mécanisme de médiation préalable et obligatoire :

Bien que le décret soit silencieux sur ce point, il n’en demeure pas moins que l’article L.213-5 du CJA dispose, en son dernier alinéa, que :
« Lorsqu’elle constitue un préalable obligatoire au recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire, la médiation présente un caractère gratuit pour les parties. ».

Dès lors, le décret n°2018-101, qui institue une médiation préalable et obligatoire avant tout recours contentieux devrait entrer dans le cadre de ces dispositions, de sorte que la médiation présenterait ce caractère gratuit pour les parties.

Cette solution est d’autant plus cohérente dans la mesure où le décret confie la mission de médiation à des autorités administratives.